J’ai eu grand-peine à renoncer.
Abandonner ma lecture et passer mon chemin.
De peur de manquer quelque chose, sûrement.
D’accepter n’avoir définitivement pas compris la substantifique moelle de ce texte.
J’ai eu grand-peine,
pour mille et une raisons:
J’aime infiniment la maison d’édition qui le porte, je suis touchée par le parcours de son autrice et passionnée par le sujet qu’elle nous donne ici à lire. Je pense que la langue qui lui donne corps possède une réelle force intrinsèque.
Mais mais mais…
Je n’ai pas réussi à aller à son terme. Page 187 (pour un récit qui en compte 230), après avoir hésité des dizaines de fois, j’ai finalement jeté l’éponge.
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Première femme peintre de la Grèce moderne, Éléni Altamura-Boukoura est peu connue en dehors de son pays. Sa trajectoire n’en est pas moins fascinante. À une époque où cette activité était pour le moins réprouvée lorsqu’elle était pratiquée par les jeunes filles, elle a dessiné sans discontinuer dès son plus jeune âge.
Soutenue par son père, elle a quitté Athènes pour l’Italie afin d’y parfaire son instruction. C’est grimée en homme, sous le nom de Personne, qu’elle a pu pénétrer dans les écoles d’art les plus courues, redevenant Éléni dans son intimité et nouant ainsi une idylle avec le peintre italien Francesco Saverio Altamura.
*
Vous constaterez comme moi que ce synopsis a de quoi intriguer.
Que quiconque aime les grandes destinées, les artistes empêchées, le combat des femmes pour mener à bien une activité, aurait bien tort de ne pas y plonger, yeux fermés et cœur ouvert.
Pourtant,
je n’ai pas trouvé dans Éléni, ou Personne de Rhéa Galanaki, ce que l’éditeur.ice mettait en avant en quatrième de couverture,
à savoir, l’œuvre bouleversante, à la fois historique et poétique, interrogeant le statut de la femme, qui plus est artiste, sur fond de bouleversements politiques qui allaient dessiner les contours des nations européennes en général, grecque et italienne en particulier.
À vrai dire, j’ai eu toutes les peines du monde à comprendre où Rhéa Galanaki (Prix national de littérature de l’Académie d’Athènes soit dit en passant) allait avec ce récit. Ce qu’elle cherchait à faire.
Car Éléni, ou Personne n’a rien d’une biographie, ce n’est pas non plus le récit d’une vie adopté d’un point de vue interne, ni une œuvre, avant tout poétique, prenant appui sur le destin d’Éléni Altamura-Boukoura.
On n’y trouve pas ce que l’on aurait pensé trouver (la vie et l’œuvre de cette peintre grecque), ce qui n’est pas un mal en soit, mais l’on n’y trouve pas non plus autre chose.
Je dois avouer avoir été passablement ennuyée par cette pseudo-déesse grecque toute en abnégation, à laquelle je n’ai pas une seule fois pu m’attacher. Je suis restée parfaitement extérieure et insensible à ce personnage, ayant eu l’impression d’avoir assez peu accès à son intériorité (ni à quoi que ce soit d’autre d’ailleurs). J’aurais aimé goûter sa fougue dans « sa vie d’avant », avant les années d’attente et de désespoir, être emportée par son destin, ses désirs, ses combats.
Et si la langue de Rhéa Galanaki possède une beauté indéniable, elle m’a semblé, par sa complexité et son caractère éminemment ouvragé, ornemental, participer de cette impression d’extériorité sans cesse renouvelée.
Mais peut-être est-ce un texte que j’aurais plaisir à relire, dans quelques années, dévorée d’autres attentes et porteuse d’autres regards.
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