
Maternités de Sigrid Undset est une tragédie à ciel ouvert. Un minuscule récit – à peine une centaine de pages – clamant du haut de sa légèreté toute la douleur d’une femme du début du XXème siècle. L’injustice, les bassesses et l’abnégation.
*
Dans sa belle maison en bord de mer, toujours parfaitement tenue, Hélène Johansen tourne en rond. Son mari, Jules, travaille loin et ne rentre que rarement. Elle sait cependant que le vide qui grandit en elle n’est pas dû à cette absence, car c’est autre chose qui lui manque : elle voudrait pouvoir avoir un enfant, un enfant à elle-seule. Lorsqu’elle décide d’adopter Tjodolf, petit garçon né d’une union illégitime, elle trouve un certain épanouissement dans son nouveau rôle, travaillant sans relâche pour que l’enfant puisse grandir dans les meilleures conditions possibles.
Mais tout se complique quand Fanny, la mère biologique de Tjodolf, une jeune femme sans situation stable et dont l’insouciance déconcerte Hélène, fait soudain son apparition dans leur vie.
L’éditrice ajoute:
De ce face-à-face entre deux femmes que la maternité réunit autant qu’elle les oppose, Sigrid Undset fait naître un conte bouleversant, où elle explore avec une grande subtilité ce que veut dire être mère – et la tragique impossibilité de répondre à toutes les attentes qui viennent avec ce rôle.
*
Acheté sur un coup de tête, pour son titre, l’image qui en composait la couverture, et le personnage qu’était son autrice, j’ai fait mien Maternités en quelques heures, la rage rivée au cœur. Tout au long du récit, j’ai pressenti l’abjecte et n’ai plus pu m’arrêter.
J’ai aimé la capacité de Sigrid Undset à camper un monde, une époque, des lieux et des habitudes. Une façon de parler, de penser aussi : j’y étais, parmi ces femmes et ces hommes, dans la maison d’Hélène, dans le giron de son amour.
J’y étais et j’ai tout vu : la bêtise, la concupiscence, l’égoïsme.
La lâcheté, la trahison et la veulerie.
J’y étais et comme jamais j’ai senti, dans mes chairs, ce que pouvait ressentir Hélène – l’âme bafouée, la sainte négligée – et les démons que le personnage de Fanny dissimulait derrière ses éclats de joie et ses passes d’arme velléitaires.
Maternités est un texte d’une extrême finesse et d’une rare intensité (si, si, croyez-moi, laissez les pages filer, et contemplez!), abouti en diable et infiniment tragique.
Il dit l’incommensurabilité d’un amour et la mesquinerie de ceux qui font tout pour ne pas le voir.
Un récit bouleversant.
Commentaires