« Mon nouveau roman préféré », voilà ce que je me suis dit en refermant les pages féroces des Filles du chasseur d’ours d’Anneli Jordahl.
Si ce n’est pas la première fois que cette idée me vient, je la cultive avec joie et passion.
Car je suis une amoureuse de ce plaisir : celui d’avoir fait mien une pépite.
Grandiose, sauvage, radicale.
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Elles sont sept, sept sœurs aux airs de sauvageonnes. Armées de leurs longues chevelures rousses, de leurs muscles saillants, de leurs gestes brusques et joyeuses grossièretés, elles viennent vendre leurs peaux de bêtes au marché. Elles dansent aussi, ivres et flamboyantes, au milieu des hommes qui les sifflent. À part ça, personne ne sait vraiment qui elles sont. Ce sont les filles du chasseur d’ours. On raconte qu’elles passent leurs journées à braconner et à se battre, quand elles ne sont pas en train de se baigner dans une rivière au clair de lune.
Pourtant, se profile derrière ces renardes échevelées un récit à nul autre pareil. Une nuit, leur père ne revient pas de la chasse, et les sept filles se retrouvent livrées à elles-mêmes. La forêt, lorsqu’on est une bande de gamines jouant aux dures, a des rites d’initiation brune brutaux. La faim et le froid ne sont que peu de choses quand les rapports de force et la violence entrent en jeu – et que la renarde devient louve.
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Les filles du chasseur d’ours est un texte qui m’a d’abord rebutée. J’avais acheté le roman pour son exceptionnelle couverture mais ne m’étais pas attendue à la violence, à la crudité de son ton et à l’âpreté des premières pages. Plusieurs fois, j’ai songé à arrêter ma lecture et déposer le livre dans la boîte à livres devant chez moi.
Force de patience pourtant, j’ai senti peu à peu la magie opérer et les porte s’ouvrir. J’avais entre les mains une histoire extra-ordinaire, suintant la fougue, la noirceur et la liberté.
De cette sororie toute de pulsions – dérangeante de prime abord – se dégageait une puissance inouïe. Quelque chose de l’ordre de l’infinie ténacité. Du courage insensé.
J’ai vécu, au travers des aventures homériques de ces sept filles intrépides, une immersion complète dans la Finlande contemporaine. L’éditeur.ice décrit Les filles du chasseur d’ours comme un conte féministe et venimeux. Il y a de cela, c’est indéniable.
Rien, entre ses pages, n’est laissé à la bienséance, à l’image d’Épinal, à la joliesse.
Anneli Jordahl nous offre ici le dépaysement assuré et l’inimaginable sur une plateau d’argent.
Du romanesque à plein tube, des personnages inoubliables, une narration superbement construite et une langue admirable font de ce texte un TRÈS grand roman où la vie avec un grand V déborde de toutes parts. C’est un texte radical, épris de liberté, qui fait aimer les livres et la littérature. Très dur parfois, immonde aussi, il a la magistrale vertu de ne jamais sonner faux.
Vous l’avez compris, Les filles du chasseur d’ours est un immense coup de cœur.
Âpre et beau.
Inégalé.
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