J’ai oscillé, toute ma lecture durant, entre deux latitudes. La première me soufflait: Le rêve du jaguar n’est qu’un arbre généalogique haut de 290 pages, une biographie familiale, à peine un roman!
L’autre, plus tenace, affirmait : oui, mais quelle destinée tout de même, quel élan, que de grandeur dans ce retour aux sources.
Et puis cette langue! Touffue, éloquente, déployée à l’infini. Tout le long du texte, j’ai le sentiment d’entendre Miguel Bonnefoy parler.
Me raconter l’histoire de ses ancêtres, de sa filiation, plus chatoyante qu’un matin de printemps.
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Quand une mendiante muette de Maracaibo, au Venezuela, recueille un nouveau-né sur les marches d’une église, elle ne se doute pas du destin hors du commun qui attend l’orphelin. Élevé dans la misère, Antonio sera tour à tour vendeur de cigarettes, porteur sur les quais, domestique dans une maison close avant de devenir, grâce à son énergie bouillonnante, un des plus illustres chirurgiens de son pays.
Une compagne d’exception l’inspirera. Ana Maria se distinguera comme la première femme médecin de la région. Ils donneront naissance à une fille qu’ils baptiseront du nom de leur propre nation : Venezuela. Liée par son prénom autant que par ses origines à l’Amérique du Sud, elle n’a d’yeux que pour Paris. Mais on ne quitte jamais vraiment les siens.
C’est dans le carnet de Cristobal, dernier maillon de la descendance, que les mille histoires de cette étonnante lignée pourront, enfin, s’ancrer.
Dans cette saga vibrante aux personnages inoubliables, Miguel Bonnefoy campe dans un style flamboyant le tableau, inspiré de ses ancêtres, d’une extraordinaire famille dont la destinée s’entrelace à celle du Venezuela.
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J’ai aimé le souffle de ce texte, son côté fantasque. Comme une litanie sans fin, débordante, et envoutante. Quelque chose à voir avec un fleuve incapable de rester dans son lit.
Je me suis attachée aux personnages qui en tissaient la trame et me suis passionnée pour le Venezuela que j’ai découvert entre ses lignes, décennies après décennies. Ses transformations, ses luttes et ses déboires.
Et si j’ai parfois été lassée par le caractère généalogique du texte, qu’il m’a manqué une histoire à proprement parler, un synopsis, une trame, je ne peux qu’admirer le formidable destin de cette famille raconté, son admirable énergie, et l’indéniable talent de conteur de Miguel Bonnefoy.
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