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Le passé est ma saison préférée, Julia Kerninon.

Photo du rédacteur: loudeberghloudebergh

Je n’aime pas tous les livres, mais j’aime les livres plus que tout, écrit Julia Kerninon page soixante.

Pour ma part, je reprendrai l’assertion à la virgule près et j’y ajouterai deux propositions: 

j’aime les livres qui parlent des livres,

et ceux de Julia Kerninon en particulier.


Pour moi, cela relève du prodige. 

À chaque fois que je plonge dans un texte de l’autrice nantaise, je vis un double ébahissement. Je suis à la fois subjuguée par la prose qui le porte, sa finesse, sa souplesse et sa précision, et emportée par le propos. 

Mais si jusque-là les textes de Julia Kerninon me semblaient trouver toujours une place parfaite dans ma valise intérieure (j’ai parfois cru ses livres écrits pour moi, c’est dire!), autant cette fois, avec Le passé est ma saison préférée et sa volonté de faire résonner la trajectoire de Gertrude Stein avec son « activité respectable » à elle, ça sortait de toute part, empêchant le zip de fermer complètement. 

Je ne connaissais de Gertrude Stein que le tableau de Picasso scruté à la Sorbonne lorsque j’y étudiais l’histoire de l’art, et ses liens avec les artistes de l’époque. Mais de l’autrice qu’elle était, de l’écrivaine qu’elle a toute sa vie cherché à devenir, je ne savais rien. 

Aussi, et contrairement à tous les autres textes de Julia Kerninon, j’ai quelque peu tardé à faire mien Le passé est ma saison préférée. 


*


Ce petit livre hybride tisse des fils en apparence distincts : la trajectoire extraordinaire de Gertrude Stein et le caractère périlleux du succès dont elle a fait l’expérience, mais aussi ma fascination esthétique pour le passé, certaines spécialités de la langue anglaise à laquelle je me frotte régulièrement en tant que traductrice, le travail complexe et sans cesse recommencé de l’écriture, et ce que signifie être une femme en littérature, hier et aujourd’hui. 


*


Là est le talent de Julia Kerninon : tisser si admirablement ses textes qu’il est techniquement impossible de ne pas s’y repaître comme une âme assoiffée après plusieurs heures de marche dans le désert. 

Tout est là. 

On ne sait jamais trop par quelle magie cela opère, on voit à peine l’effort (dans le travail de la langue ainsi que dans les recherches) derrière cette apparente simplicité, mais on sent les briques s’encastrer les une dans les autres avec une précision redoutable. 

Et c’est prodigieux. 


Pour la lectrice acharnée que je suis, réfugiée dans les livres le plus clair de son temps, lire un livre qui parle de livres, c’est une épiphanie. 

Faites comme moi : lisez ce texte dans une bibliothèque et courez, d’un rayon à l’autre, à la recherche de la page évoquée. Juste pour le plaisir de l’avoir entre les mains, de la savoir, là, existante, concourant à la masse de la terre, capable d’y apporter sa lumière. 


Outre l’intérêt porté à la vie et l’œuvre de Gertrude Stein et le fait que j’ai toujours un immense plaisir à me replonger dans ce début du XXème siècle foisonnant, j’ai (une fois de plus) été terriblement séduite par les idées défendues par Julia Kerninon. 

Big up à celle du poulet dominical qui assoit le système patriarcal, ou à celle de l’entrée croissante des femmes en littérature qui bouleverse les structures des livres, s’éloignant de la fiction à la ligne claire sous-entendant qu’il y aurait un seul problème, qu’on pourrait le résoudre et revenir illico là où on en était. J’étais heureuse de retrouver le point de vue que je tentais de partager hier soir sur les ondes de la RTS. Les femmes en littérature, c’est une manière de raconter la complexité, le sensible, le futur. 


Alors moi, j’en redemande. Parce qu’à chaque fois, quelque soit le sujet et le modus operandi choisi, Julia Kerninon vise juste. Et c’est délicieux. 



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Louise DE BERGH, Chardonne. 

loudebergh@gmail.com

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