
À peine terminée, je mets La nuit des pères de Gaëlle Josse sous pli. Cela tombe bien, l’ouvrage tient dans une enveloppe A5, tarif normal, j’en suis sûre.
Destination : le domicile maternel.
Parce que c’est à elle – ma mère – que j’ai pensé tout au long de cette lecture.
Lui envoyer ce livre, c’est donner à son histoire un écho, une écoute, une pensée, un pardon.
C’est lui faire offrande d’un texte qui résonne plus fort que jamais avec sa vie et celle des siens
– avec la mienne aussi, en filigrane.
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Appelée par son frère Olivier, Isabelle rejoint le village des Alpes où ils sont nés. La santé de leur père décline, il entre dans les brumes de l’oubli. Après de longues années de séparation, il s’agit peut-être de comprendre qui était cet homme destructeur, si difficile à aimer – et qui n’aura cessé de se dérober aux siens pour partir obstinément arpenter la montagne.
Sur une poignée de jours, l’histoire familiale se noue et se dénoue. Quel drame s’est-il joué autrefois pour faire planer sur eux trois l’ombre des silences jamais percés? À travers leurs voix qui se succèdent affleurent l’ambivalence des sentiments filiaux et les violences invisibles, ces déchirures qui poursuivent un homme jusqu’à son crépuscule.
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J’ai lu ce texte dans un état second : fébrile, intranquile. M’attendant, d’une minute à l’autre à être ébranlée – ce qui est arrivé, inutile de le préciser. Terrassée par l’intensité de certaines scènes, l’horreur affleurant, touchée comme jamais par un sentiment de déjà vu. J’avais sous les yeux l’histoire de ma famille, mise en mots avec toute la maestria que l’on connait à Gaëlle Josse : cette finesse psychologique, cette langue touffue, pleine de juxtapositions, de précisions – à la recherche du plus près, du plus vrai.
La nuit des pères est un récit exceptionnel. Il est probablement celui de milliers de familles terrassées par les guerres d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et de là-bas. Mais il a l’avantage d’avoir été mis en mots par une autrice grandiose – il ne fallait confier ce récit à nul.le autre.
Merci Gaëlle Josse pour ce morceau de vérité, ce bout de tissu qui restera rivé à mon cœur comme un drapeau, l’étendard d’une histoire qui plus jamais ne sera passée sous silence.
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