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Texte sublime s’il en est, La danse des pères de Max Lobe se lit dans un mouvement.
Du cœur, du corps et de l’âme,
et dans leur plus simple appareil qui plus est.
On s’y coule lentement, en tâtonnant,
s’appropriant le rythme d’abord, les sonorités de la langue et la douceur du tempo.
Et puis l’on s’y immerge complètement, tête la première, le corps suit. On ne fait plus qu’un avec lui. Avec ses mots qui chantent, qui hurlent et qui exultent.
Dans une grande cacophonie qui a tout à voir avec la vie.
*
Accoudé à la fenêtre de son appartement genevois, Benjamin tend l’oreille vers les voix de son passé. Le voici dans le salon de son enfance, à Douala, écoutant son intarissable père conter l’histoire du Cameroun. Ses marionnettes politiques aux commandes ; ses héros aussi, comme le grand-père Wolfgang, résistant de la première heure face à la chose blanche. Lorsque sa goutte le lui permet, ce père fantasque et bedonnant quitte son fauteuil pour esquisser quelques pas de funky-makossa. Mais quand l’humeur dérape, Estha Minlah la valeureuse sait tenir tête à son sangôh de mari, pour protéger son fils de ses attaques homophobes.
L’éditeur ajoute:
Tout au long de ce roman, aussi intime que politique, Max Lobe nous fait swinguer tout en accomplissant un important devoir de transmission.
*
J’ai vécu comme une épiphanie la lecture de ce livre (presque d’une traite) après avoir entendu La Grande librairie de ce mercredi. Particulièrement touchée par les propos de Patrick Chamoiseau, sur l’importance des politiques culturelles, les pouvoirs de la littérature et de la poésie en temps heurtés, j’ai vu comme un signe qu’un texte comme La danse des pères tombe sous mes yeux.
Un texte éminemment politique et poétique, un texte terriblement vivant.
Que peut la littérature quand elle ne peut? demande Chamoiseau.
Je répondrai :
ce texte.
Et cette langue mâtinée de bassa, d’anglais et d’allemand! Ces mots qui semblent tout droit sortir de la bouche de leur auteur, cette scansion folle et sensuelle.
Quelle liberté! Quelle humanité! Quelle poésie!
Là est la somme de ce que mille cultures mélangées, guerroyantes et amoureuses, font à la Littérature. C’est sublime, c’est doux, c’est juste.
Par cette création pure, cette boule à mille facettes, Max Lobe est plus qu’un survivant, plus qu’un résistant, c’est un être existant. Plein d’une vie tapageuse, leste et sublime qui transpire dans ses textes grandioses. Ses Confidences m’avaient touchée au cœur voilà quelques années, sa danse des pères m’a transportée.
De joie surtout et d’admiration.
Car là résident tout le pouvoir de la Littérature!
Même l’enfant de l’enfant de mon arrière-petit-enfant, un jour et ce jour n’est pas loin, se souviendra de tout ça, tout ce sang qui dessine les contours de notre histoire, le malheur qui nous a rendu bâtards, et alors, tu verras, je te promets, l’enfant de l’enfant de mon arrière-petit-enfant se lèvera pour présenter l’addition à qui de droit.
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