Il y a dans les mots de Marguerite Duras une intensité stupéfiante. Quelque chose de si radical que c’en est cruel.
Un texte de Duras, c’est une économie de la phrase insensée, une orchestration inouïe, un ordonnancement des mots sorti tout droit des tréfonds de ses tripes comme de la terre.
C’est un flegme sans nom, l’amour et la haine collés-serrés et des récits tissés d’un très étrange fil, rêche et sublime à la fois.
« Je n’ai jamais écrit, croyant le faire, je n’ai jamais aimé, croyant aimer, je n’ai jamais rien fait qu’attendre derrière la porte fermée. »
Alors si c’est cela, attendre derrière la porte fermée, je veux bien faire de même et ce, toute ma vie durant! Marguerite Duras écrit comme elle pense, voit et contemple : sans effet aucun, sans effort semble-t-il, sans se regarder nullement.
Portée par une haine farouche, un désespoir sans fond doublé d’une étonnante légèreté, son écriture est celle d’une condamnée. Dure, âpre, sans apprêt.
Mais le jus qui en ressort est infiniment savoureux.
L’amant est un texte qu’on ne présente plus. Sachez, pour celles et ceux qui sont passés à côté, qu’il y est question d’une traversée du Mékong, d’une première histoire d’amour entre une Marguerite Duras (très) jeune et un riche Chinois de Cholen, de relations intenables avec la Mère, d’un grand frère comme une guerre, violent et pathétique et d’un petit frère parti trop tôt.
Les grandes lignes sont là.
Pour le reste (qui est tout) : une langue insondable. Lancinante.
Une écriture comme une lame de fond, immobile et tenace, prête à tout emporter sur son passage sans en avoir l’air une seule seconde.
Personne mieux que Duras ne dit cette chaleur écrasante et infernale, la moiteur de la peau, le désespoir comme un puits sans fond et l’amour, une pierre logée au fond du cœur.
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