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Bellissima, Simonetta Greggio.


J’aurais aimé que cette lecture

jamais ne s’arrête. 


À mesure que le nombre de page s’amenuisait, tout en moi se disputait : 

continuer, accélérer, pour que cette force pénètre définitivement mon cœur et fasse palpiter mon sang ;

ralentir, prendre mon temps, et contempler les phrases sur la pages rassemblées, 

pour ne jamais 

jamais 

les quitter vraiment. 


*


« Qu’est-ce qui m’a poussée, jeune fille, à abandonner mes proches, ma maison, ma langue maternelle? Qu’est-ce qui fait qu’un homme tendre comme mon père est devenu un monstre, à un moment donné? Quel est ce mal qui m’a rongée jusque’à presque en crever? »

Cela s’appelle l’Italie : ma douleur, mon amour, ma patrie. Un pays qui n’a pas fait les comptes avec le fascisme dont il fut l’inventeur. Un pays comme une famille, plein de secrets —  bruyants, destructeurs, meurtriers. »

Poursuivant son « autobiographie de l’Italie », Simonetta Greggio raconte pour la première fois l’histoire de sa famille, à laquelle répondent les années sombres et rouges de l’Histoire. Un récit âpre et sensuel où l’écriture restaure ce que la violence a fait voler en éclats.


*


Il est parfois étonnant de constater à quel point certain.e.s auteur.ice.s nous collent à la peau.

Ils reviennent sans cesse, par une porte, un fenêtre, un conseil, un cadeau, une émission de radio.

On les lit, une fois, deux fois, on croit passer à autre chose,

mais la réalité nous rattrape. 

Notre vie a rendez-vous avec leurs livres. 

Immanquablement. 

Leurs écrits, chaque fois, refluent 

avec panache et lambeaux. 

Prêts à remplir nos vides et pulvériser nos vérités. 


Comme Julia Kerninon, Jón Kalman Stefánsson ou Toni Morrison, Simonetta Greggio me fait cet effet là. Je l’avais lue une première fois, dans Dolce Vita, une vaste fresque politique et sociale de l’Italie de 1959 à 1979 narrée d'une maîtresse main. Quelques années plus tard, alors que je travaillais comme réceptionniste dans un musée, une visiteuse me conseilla Bellissima.

Ses mots me bouleversèrent et je courus à la librairie. 

Pourtant je ne fis mien ce roman que plusieurs mois plus tard.

En quelques heures. 

Je sentis alors en mon sein des rouages s’activer. 

Des vérités s’ébrouer. 

Et beaucoup de douleurs s’échapper. 


J’ai admiré ce texte pour les éclats de beauté dont il est jonché, pour la dignité de son propos et la grandeur de sa langue. J’ai admiré sa poésie déchirante, cette « partition conçue avec les tripes ».

Une fois de plus, j’ai perçu l’immensité du pouvoir de l’Écriture, sa force émancipatrice, son fardeau aussi. 

J’ai songé que de tels textes, jamais, jamais, ne devraient s’éteindre.

Qu’il fallait sans cesse les lire, les relire, les offrir, les faire siens. 

Les crier.

Et y revenir, 

sans cesse. 


« Encore maintenant, je ferme les yeux sur cette joie aigüe, la joie profonde d’être vivante. Encore maintenant, je suis cette fille à la lisière de l’enfance qui croit que tout est possible. Qu’elle s’en ira à Paris après son bac et réussira sont entrée à l’École normale et continuera de lire et d’étudier parce qu’il n’y a que ça qui lui plaise, et écouter les Beatles et la musique classique, et un jour elle sera écrivain, car les écrivains sont comme les anges, un peu sales et sans ailes, mais des anges quand même. » 

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