« Mais moi, quand on me parle de grain, je vois du riz, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise! Coco, elle a p’t’être le vocabulaire qu’il faut plus que moi, mais elle sait pas faire de l’image à elle. Elle dit juste ce que les autres disent. C’est pas beaucoup. Elle a rien à elle quand elle parle. Elle parle la langue des autres, le courant, des trucs qui camouflent pour que ça contente tout le monde. Du coup, elle a le mot maigrelet, y a rien à bouffer dessus, on reste sur sa faim. Moi, j’ai plein de trucs à moi et je vous dis, c’est du riz qui tombe et p’t’être bien que ça va pousser après, dans le sable. P’t’être que si je reste là longtemps, je vais voir de la broussaille verte sortie de la mer. »
Vous connaissez mon amour de la langue. Celle qui transforme un texte en bombe à fragmentation. Celle qui emporte, ravit les cœurs et repousse les murs.
Dans la langue de Belette, il y a de quoi bouffer comme elle dirait. Et plutôt deux fois qu’une autre. Rien de pauvre, rien de consensuel : de la matière brute, des images à remplir une une boîte crânienne jusqu’à exploser et un souffle à décorner des bœufs. Quelque chose de radicalement neuf, terriblement vivant, inventif en diable.
Le roman n’a alors rien de amas de lettres posées sur des pages de papier crème enfermées dans un manteau bleuté. Il ne tente pas de raconter une histoire. Il grandit et grossit avec elle. Comme la mer.
Il est escouade, vent et nuage.
Tempête et sable.
Sabre et poings.
*
Belette, 13 piges, vit à la dévale. Avec Babine, sa bicyclette, elle fonce et fuit les baffes du père et les coups du sort. Un jour, elle se réfugie sur la Grand plage, dans un bunker abandonné pour y mettre ce qui lui reste de chaud, sa poésie bien à elle et la fantôme de son amoureux, tombé pour un baiser qui colle. Dans sa tentative folle de résistance, elle peut compter sur Bruno, le vieux Léon et une fan de Janis Joplin. Alors que les larmes menacent, Belette fonce de plus belle et brave encore le malheur, avec sa joie et ses mots.
*
Belette est un texte grandiose et puissant.
Une petite torpille. Glorieuse et émouvante.
C’est le regard d’une presque plus enfant, sur un monde qui blesse et brûle. Une lutte rageuse pour déposer sur la vie des petites taches de lumières.
Plus brillantes que des étoiles.
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